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    le procès

     

    50/65 cm / acrylique sur toile / Paris février 2009 / © Parés


     Celui-ci est un tableau sombre de la série des tableaux sombres.
    C'est que l'affaire est sombre.
    Tout le monde connaît bien l'histoire, mais je te la narre quand même: Un homme dans la force de l'âge, se présente à la porte du palais de justice devant laquelle est posté un garde puissamment armé.
    Il demande à entrer car il veut intenter un procès, il réclame justice, mais le garde lui fait savoir succinctement que malheureusement les choses ne sont pas si simples, ou alors ça se saurait, il doit attendre sagement son tour. Ce sont les règles.
    Alors l'homme, en bon observateur de la loi, attend sagement.
    A l'intérieur du palais des gens vont et viennent dans un silence opaque.
    Au bout d'un jour et une nuit entière il redemande au garde de le laisser entrer.
    Mais il n'en est toujours pas question.
    Une semaine se passe et le plaignant commence à douter de sa démarche, le garde n'a pas bougé d'un pouce.
    Mais lorsqu'il ose s'adresser au fonctionnaire la réponse à son inquiétude est toujours la même: On attend sagement, dans un souci d'égalité les règles sont les mêmes pour tous.
    Les semaines passent, puis les mois, et la réponse reste identique.
    Les années commencent à s'empiler sur le plaignant, à courber son échine, à blanchir sa barbe, mais la réponse du palais reste la même.
    Un jour l'homme sent que sa dernière heure arrive, il demande alors au garde -son seul interlocuteur depuis des lustres- d'approcher.
    -Je meurs. Puis-je enfin entrer?
    Au lieu de répondre, et après s'être assuré qu'il est bel et bien à l'article de la mort, le soldat se dirige vers la entrée tant convoitée et lentement ferme la lourde porte du palais.
    -Pourquoi?
    -Cette porte, dont tu fus le prisonnier durant tes dernières années de vie –répond le garde- t'était destinée, désormais, toi mort, il est inutile de la laisser ouverte.
     C'est pourquoi le tableau est sombre.
     Ce que l'on connaît moins c'est la suite de la parabole: Une fois l'homme mort et la porte définitivement fermée, les années passèrent, les décennies, les siècles et même une éternité ou deux, et le garde ne vit plus jamais âme qui vive l'approcher.
    Ce qui est normal parce qu'en toute logique cette entrée n'était destinée à personne d'autre.
    C'est alors que le garde c'est aperçu que le dernier prisonnier de la porte c'était bel et bien lui-même, et pour une peine bien plus longue. Tout puissamment armé qu'il fut.
     

    Le grand Orson Welles, qui bâtissait le projet de mise en scène du procès de Kafka, demanda à Alexandre Alexeieff -graveur, dessinateur, cinéaste, né en 1901 à Kazan en Russie mort en 1982 à Paris- quelques dessins pour le prologue du film, une sorte de parabole de la loi narrée ci-dessus.
    Si on compte aussi Kafka dans cette affaire ça fait trois fous furieux aussi bien que co-auteurs.
    Alexeieff sauta à pieds joints sur l'idée mais compliqua légèrement la chose, il réalisa chacun de ses dessins avec des milliers d'épingles qui plantées à différente hauteur et éclairées par une lumière rasante donnent l'impression de dessin à l'encre.
    Si.


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